22 octobre 2018

Sukkwan Island

Voila déjà quelques semaines que j'ai terminé la lecture de ce livre conseillé par MM. Pourtant, les mots pour le blog ne viennent pas:  comme incapable d'exprimer le trouble  qui m'habite depuis que j'ai refermé la dernière page.
Lorsque j'ai attaqué la lecture, je n'avais plus rien à me mettre sous la dent niveau bouquins et j'avais promis à M de lui donner mon avis sur ce roman qui lui avait plu, quelques années auparavant. Me voila donc coincée dans le froid glacial d'une île isolée de l'Alaska entre Jim, personnage insaisissable, père paumé, mari raté (dont je ne comprendrai pas, même après 250 pages, les sentiments) et son fiston de 13 ans embarqué malgré lui dans la folie paternelle. Après la première partie, l'envie tout poser grandissait, le style ne me touchait pas: trop brut, presque abrupt comme les paysages environnants et ces phrases courtes et froides comme l'eau des lacs. Puis, le choc. La deuxième partie, la parole du père se libère, et le malaise grandit...
Dire que j'ai adoré, impossible; dire que j'ai été dérangée, assurément. Par tant de noirceur, tant d’incompréhension et ces questions restées en suspens. C'est aussi peut-être ce qui en fait un grand roman, cette capacité à interroger sur les ténèbres de l'Humain. 

PS  : MM, AD, FA, et les autres, j'attends vos avis !
PS 2 : Pour les connaisseurs, on y retrouve , la solitude de "Seul au monde", l’égoïsme de "Into the wild" et la mélancolie des "chaussures italiennes de Mankell"...

2 octobre 2018

Bye bye bird

Comme je le fais régulièrement et avec beaucoup de plaisir, je laisse, le temps d'une critique, la plume (ou le clavier) à un amoureux des livres et de la littérature, mon ami E. 

C'était le temps de juste avant la fin du monde. Ce minuscule morceau d'Histoire coincé entre la fin de la seconde guerre mondiale et la prise de conscience que quelque chose de malsain se tramait au Vietnam. La musique était faite sur de vrais instruments par des jeunes gens épris d'émancipation et d'acide lysergique (drogue de l'exploration du subconscient et du cosmos) et non à l'aide de machines électroniques par des gens épris de rien du tout imbibés de cocaïne (drogue de la sensation de toute puissance). Les jours barbares étaient révolus, on pouvait à la fois être lucide et croire en la promesse d'un avenir meilleur. Orwell avait certes déjà écrit 1984 mais l'avènement de Big Brother n'ayant pas eu lieu, une forme de liberté était encore envisageable. C'était aussi le temps d'une adolescence. Ce morceau de vie coincé entre un vague sentiment d'immortalité et la prise de conscience aiguë que tout à une fin, y compris soi-même, et que l'on a coutume d'appeler âge adulte ou dépression nerveuse. À la faveur d'un échange avec son école bordelaise, Paco débarque dans une banlieue ordinaire de Bristol chez son correspondant Malcolm, rejeton d'Edward Terry, austère pompier à moustache, et de sa trop parfaite housewife Pamela. S'il est des écrivains qui tentent d'élever le langage parlé à la hauteur d'un style littéraire classique et pur, avec mots rares et imparfaits du subjonctif (c'est à ce titre un régal d'écouter parler Pierre Bergounioux), il en est d'autres qui empruntent le chemin inverse (et beaucoup d'autres encore qui n'empruntent aucun chemin du tout). Peu importe du moment que le style sert le propos : on peut lire la "Recherche" et le "Voyage" avec un égal bonheur. Cela ne peut guère étonner venant d'un homme ayant consacré sa thèse de médecine à l'illustre docteur Destouches : l'écriture de François Garcia doit davantage à Céline qu'à Proust. C'est donc dans une langue proche de l'oralité, à la première personne d'un singulier changeant au sein de la même longue phrase sinueuse ponctuée d'interjections en anglais, que le docteur G nous conte les aventures de Paco au pays des légumes bouillis. Loin de nos bases tout est étrange, surtout dans une cuisine où l'on appelle "big chicken" un poulet plus petit que le plus petit poulet du marché des Capucins. Étrange et attrayant comme les premières caresses et les premiers baisers, ou ce déferlement de musique libertaire et ses corollaires psychotropes. Étrange et effrayant comme l'omniprésence de la violence ou les fantômes d'une famille dont on ne comprendra que bien plus tard qu'elle était ordinaire. L'apparente légèreté d'une écriture minutieusement travaillée (c'est le moins qu'un lecteur puisse exiger) accentue la pertinence de ce récit d'éloignement initiatique, parce qu'il est ennuyeux de parler gravement des choses graves. Et s'il est un seul regret à nourrir après avoir refermé "Bye bye, bird", c'est que François Garcia n'ait pas suivi l'exemple de Bob Dylan lors de la parution de ses "Chroniques", et accompagné son livre du disque de sa bande originale.

1 octobre 2018

Au grand lavoir

J'ai rencontré Sophie Daull la première fois au travers d'un livre bouleversant : "Camille, mon envolée" qui raconte non sans une pointe d'humour la disparition brutale de sa fille des suites d'une infection. J'ai ensuite rencontré Sophie Daull physiquement, au salon du livre de Limoges, nous avions échangé des mots doux sur l'écriture, la peine, la résilience. La lecture de "La suture", son 2e roman, sur la perte de sa mère m'avait emportée.
La revoilà qui m'envahit, m'entraîne en 24 heures dans son écriture poétique dans un roman extraordinaire sur le pardon, le (double) mal de mère, la rédemption.  Dans ce livre, Sophie Daull, avec les outils aiguisés et infiniment puissants que sont les mots, avec un langage Ô combien poétique,  se met dans la peau de l'assassin de sa mère.C'est tragique, violent et admirablement écrit. Le texte interroge sur le pardon, sur la culpabilité et la reconstruction. "Je voulais qu'il re-tremble" dit Sophie Daull sur le plateau de la Grande Librairie.  Pas pour faire renaitre la peur mais pour le faire redevenir humain, "simple" jardinier, transparent dans une commune française.
Tout est beau dans ce livre, la couverture, le texte,  le sujet...Chaque phrase pourrait être lue plusieurs fois, lentement, à voix basse, pour mieux s'en imprégner, pour saisir la mélodie du propos.  Merci Madame pour cet immense roman !

Le consentement

C'est un film que j’avais initialement prévu de ne pas voir :    le livre était si édifiant que j’imaginais mal comment des images pouva...