7 août 2019

Diner à Montréal

Dernier tome de la trilogie autobiographique* de Philipe Besson. 

Et s'ils avaient osé ? S'ils avaient osé vivre cette histoire interdite ? S'ils avaient envoyé valsé conjoint et conventions pour laisser exister cet amour ? Que seraient-ils devenus ? Seraient-ils plus heureux, différents ? Les fameux "et si..." qui nous hantent après une rupture. 
J'avais peur en ouvrant les premières pages d'être déçue. Au fond ne pouvais-je pas me contenter de la fin pleine de suspensions de "un certain Paul Darrigrand"? Les laisser là, page 220 dans cette librairie Québécoise avec leurs regrets et leurs silences. 
Dès les premières pages pourtant le doute s'efface, le style de l'auteur opère. Besson nous charme et nous malmène un peu aussi. En plaçant 18 ans plus tard ses 4  personnages : Paul, Isabelle (l'épouse, embourgeoisée désormais), Antoine (le jeune amant du moment) et lui même, dans un huis-clos oppressant (une salle d'un restaurant d'un quartier branché (je vous laisse savourer le passage du choix du lieu),  Besson nous convie à la table des regrets de la nostalgie, des questions sans réponses, des sentiments inavoués. Les échanges fusent, polis, anodins, bourgeois, entre verre de vin et cigarettes fumées par les conjoints. Ces pauses clopes, comme des bouffées d'oxygène (troublant pour une cigarette) qui seront l'occasion pour nos deux amants d'enfin parler à cœur ouvert.
Besson a définitivement un talent fou pour parler d'amours, amours vécues, inachevées, inoubliables pourtant (peut être parce qu'elles ont ce goût d'inachevé). "Il y a une seule chose dont je suis sûr" dit Paul à Philippe, "c'est que le seul fait de t'avoir connu, ça a fait de moi quelqu'un d'autre". N'est ce pas le propre de toute rupture amoureuse, nous laisser avec une blessure, dont la douleur s'en va avec le temps pour faire place à une cicatrice indélébile qui s'appelle le souvenir ?

* autobiographie, vraiment ? si le 2e tome me paraissait crédible, j'avoue que celui-ci a creusé le sillon du doute. Et si tout était faux ? Si on était dans la fiction pure ? Et si Besson se jouait (avec talent) de son lecteur ?  Si Paul Darrigrand n'était qu'un prétexte pour parler d'amour ? Et si...

Et après tout, quel est le problème, l'histoire même fictive n'entache pas la réalité du propos et des mots, si puissants et intimes.

5 août 2019

Un certain Paul Darrigrand


Comment dire à quel point ce livre m'a troublée ? Peut-être en vous disant simplement que je l'ai lu en 3 heures, que j'ai fini émue aux larmes avec la sensation que Philippe BESSON savait mettre des mots incroyables sur le sentiment amoureux. Que quelques heures après avoir refermé la dernière page de ce roman*, j'attaquais la suite "Dîner à Montréal"...
On est en 1988 à Bordeaux, ville oh combien familière et chère à mon cœur,  entre la rue Judaïque, la place Pey-Berland, le "Pala", l’hôpital Saint André et son jardin intérieur. Philippe Besson a 22 ans, sort d'une école de commerce avec un diplôme dont il ne sait que faire.  Il s'inscrit donc à la faculté de droit de Bordeaux espérant y trouver une voie plus noble. Il y rencontre Paul,  l'homme qui va bouleverser son année 88. Paul est marié à Isabelle (pétillante, généreuse, comment la détester ?), Paul sera l'homme des 5 à 7, l'amant, l'objet du désir fou.
Qui n'a pas vécu une telle passion (évidemment non durable au demeurant) mais qui vous donne ce sentiment d'immortalité ?  C'est d'ailleurs, ce joli parallèle que fait Besson puisqu'à la même période, on lui découvrira une thrombopénie idiopathique contre laquelle il luttera.
220 pages de poésie, pudeur, émotion pour raconter l'Autre, celui qui vous emporte, celui qui vous fait vous sentir vivant. Mais aussi cet Autre, dont l'absence vous déchire le cœur, vous fait vous sentir  incomplet. Cet Autre qui s'endort auprès d'une femme chaque soir et dont l'attente d'un signe, à une période où le téléphone portable n'existait pas devient insupportable.

"Une vraie saleté l'infériorité en amour" écrit Besson au milieu du roman.  Tout est dit. 
* roman ? (indique clairement la couverture). Qu'en est-il ? La trilogie (1. Arrête avec tes mensonges, 2. Un certain Paul Darrigrand et 3. Dîner à Montréal) est pourtant présentée comme l'oeuvre de la sincérité, les aveux intimes et explique même les précédents romans de l'auteur. On y reviendra. Est-un roman, une autobiographie, un récit autobiographique? Besson ne nous ballade-t-il pas entre réalité, souvenirs, fantasmes ? La lecture de l’épilogue "dîner à Montréal" a fait naître le doute. 

Pilules Roses, De l’ignorance en médecine » (Stock, 2023) de Juliette Ferry-Danini

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