23 décembre 2019

Einstein, le sexe et moi

L’extase du selfie de Philippe DELERM

20 ans plus tôt, je me délectais de ma première gorgée de bière avec Philippe Delerm dans un TGV Paris-Bordeaux. Le souvenir est gravé dans ma mémoire tant ce livre m’avait charmée. Les petits pois, les odeurs, ces infimes captures de vie, tout y était si merveilleusement décrit !
C’est dans l’intercités Paris-Limoges que j’ai lu « l’extase du selfie » et soyons honnête, la magie n’a pas opéré. Il manque ce qui faisait le charme des premiers opus, le naturel, l’inattendu. Là, le propos semble convenu, travaillé, torturé avec une désagréable impression d’auteur qui se regarde écrire... Et, même si tout n’est pas à jeter, certains passages sont même assez jouissifs de précision  (le foot, le bâton de noisetier), l’ensemble m’a paru sans grande saveur ! 

12 novembre 2019

Avec toutes mes sympathies

Olivia de Lamberterie signe son premier roman et je n’ai qu’une envie, lire et relire des passages entiers, le conseiller, l'offrir et en parler.
Si je connaissais la critique littéraire, sa voix et sa douceur (que j’ai tant de plaisir à retrouver le dimanche dans le Masque et la Plume), ce que j’ignorais, c’est son histoire familiale et le drame du suicide de son frère Alex, en 2015.
Avec une plume délicate, des mots simples, parfois non sans humour, elle nous décrit un frère profondément aimant, solaire, charismatique, habité par un mal longtemps non désigné : la dysthymie. Rien n’est glauque dans ce livre, tout est lumineux  : les réunions familiales, les étés sur les plages méditerranéennes, cette baraque aux tomettes rouges et les grains de sable dans le lit...
A chaque page, il est question de vie, celle de son frère mais aussi de ceux qui restent (Florence, Juliette et tant d'autres) qui s’unissent pour apaiser la souffrance.  Car oui, Olivia de Lamberterie nous parle de sa peine, de cette incapacité post traumatique à lire (pourtant son métier) et du besoin vital d’écrire et de raconter son frère. Quel ode à la vie, à la famille! On en sort les yeux plein de larmes avec l'impression d'être plus vivant que jamais.

A lire de toute urgence, c’est sublime.

11 novembre 2019

Séquoias

Je laisse la place et les mots à MM que j’ai vu dévorer ce roman en un grand week-end enneigé...Et quand au beau milieu de la nuit, j’ai entendu un « j’ai fini mon livre », j’ai compris qu’il avait été transporté !
Au milieu du XIXe siècle, trois frères chasseurs de baleines sur la côte Est des États-Unis décident de mettre les voiles a bord du bateau hérité de leur père pour répondre à l’appel de l’or californien. Cette épique épopée va voir les destins et les fortunes se croiser, s’éloigner ou diverger au fil des rencontres et des décisions de chacun, dans ce Far-West où tout est à faire et à construire.
Par son écriture efficace et incisive l’auteur ne nous donne ici qu’une seule envie : savoir de quoi sera faite la page suivante!

4 novembre 2019

Le bonheur n'a pas de rides

Ne boudons pas notre plaisir.  Dans la grande famille des feel good books, certains sont insupportables de mièvrerie et le style littéraire est tout simplement inexistant. Ici, rendons grâce à l'auteur, le charme opère. Nous voici embarqués au milieu une bande de doux dingues, dans une pension de famille au fond de la campagne, cohabitant cahin caha dans l'antre de Monsieur Yvon.
Dans cette auberge espagnole pour retraités,  on mange les couscous et les crèmes brulées de Nour, on fait du running avec Monsieur George, on rigole avec l'imposante Marcelline, on suit Juliette dans sa recherche de l'amour et surtout on sourit aux aventures de Paulette, odieusement attachante!
L'avantage de ces petits romans de gare, c'est que ça se lit dans le train, blotti au fond du siège d'un TER (à l'heure!). C'est doux comme un caramel, ça fait du bien au moral et ça s'oublie aussitôt fini!

16 octobre 2019

L'oeil du paon

Un bien joli cadeau d'anniversaire dévoré en un week-end. Merci MM !
Ça commence comme un conte poétique, sur une île croate. Héra l’héroïne contemple le plumage de son ami le paon," serti de cent globes ronds et brillants, ocelles hypnotiques disposés avec soin sur toute la longueur de la traîne". Sauf que le paon n'est plus, il est mort...Notre héroine moderne débarque donc à Paris sur les conseils de son père qui craint une malédiction.
Fraîchement parisienne, hébergée par une tante indifférente et autocentrée et un oncle absent, elle s'occupe de son petit cousin Hugo avec une générosité  évidente. Mais peu à peu, page après page, le récit  poétique vire au conte pour adultes, cruel et édifiant. Le fier et orgeuilleux paon réapparait, les artifices de notre société sont de plus en plus évidents, le cynisme rode et Héra se laisse contaminer.
À la question "ça t'a plu ? oh oui!  Mais ça t'a dérangé ? oh oui, et c'est sans doute aussi pour cela que je le conseille ! 

14 octobre 2019

L’homme parfait est une connasse

Merci AD pour de vrais fou rires et des phrases philosophiques aussi brillantes que « dans la vie, il y a deux choses qui ne mentent pas : les enfants et les leggings! » 
Merci d'avoir égayé ma ma pause déjeuner...
Merci pour les petits croix dans la marge. Je crois qu'on a les mêmes références...oh toi tu sais que "les cheveux blanc, ça fait moitié sorcière, moitié folle au pigeons"!! En attendant, j'arrache frénétiquement les miens ;)

Arrête avec tes mensonges

Premier tome de la trilogie "autobiographique" de Philippe Besson et dernier lu pour moi. Comme avec les précédents, c'est avec une infinie émotion que je referme la dernière page. Une fois de plus, il est question d'amour même si le mot est rarement prononcé, mais aussi d'adolescence, de sexualité, de corps qui s'attirent. On est en 1984 à Barbézieux, petit village de Dordogne.  Philipe Besson est un adolescent brillant, promis à un bel avenir.  C'est à cet âge qu'il rencontre Thomas Andrieux, discret et ténébreux,  fils de paysan avec qui il découvrira le vertige amoureux. C'est l'histoire d'une rencontre, celle qui annoncera les autres, celle que l’on ne pourra jamais oublier.
« Parce que tu partiras et que nous resterons » ... dit Thomas à Philippe. Tout est dit !

13 octobre 2019

Sex Mille personnes

On oscille entre rires et émotions, avec ces tranches de vie colorées (au sens propre comme au figuré grâce aux jolies illustrations d'Anne Boudart). C'est drôle souvent, c'est tendre aussi, âpre et rude à certains égards, émouvant assurément ...jamais vulgaire. On se retrouve un peu dans chacun de ces 80 portraits et on se surprend à lire deux fois certaines histoires tant elles nous font vibrer. Le Noir, l'histoire de cette femme encombrée par un corps trop volumineux, ou encore la Question (celle qu'on ne devrait jamais se poser) m'ont profondément émue.
Bref. C'est un concentré d'émotions à lire (tout seul ou à deux...) et à contempler sans hésiter.

2 septembre 2019

Lectures pyrénéennes

Au cours de ma semaine de vacances « coupée du monde », au sommet des montagnes, sans téléphone ni accès internet, j’ai pu bouquiner allègrement.
Voici un aperçu des 4 livres dévorés dans la semaine ...
1. Un bon donna Leon (égaré dans une étagère) avec un Brunetti transpirant, une Paola fidèle à elle-même et le charme vénitien...Où l’on fait la connaissance de la charmante Elettra et ses tailleurs colorés. Même si la fin est un poil bâclée à mon goût, le plaisir demeure.
2. Personne, prix Femina 2009. Un beau livre sur la maladie bipolaire, philosophique et troublant. Une écriture puissante pour raconter le destin d’un mouton noir. D’autant plus dérangeant que j’ai quelques souvenirs d’avoir croisé, avec mes yeux d'enfant, cet homme brillant.
3. Les poulets grillés : polar décalé et léger, parfait pour une matinée dans le brouillard ...et une fin de voyage dans un TER percutant un troupeau de vaches!
4. Les voyages de Daniel Ascher : une réflexion sur la famille, la paternité, la religion. Émouvant !

7 août 2019

Diner à Montréal

Dernier tome de la trilogie autobiographique* de Philipe Besson. 

Et s'ils avaient osé ? S'ils avaient osé vivre cette histoire interdite ? S'ils avaient envoyé valsé conjoint et conventions pour laisser exister cet amour ? Que seraient-ils devenus ? Seraient-ils plus heureux, différents ? Les fameux "et si..." qui nous hantent après une rupture. 
J'avais peur en ouvrant les premières pages d'être déçue. Au fond ne pouvais-je pas me contenter de la fin pleine de suspensions de "un certain Paul Darrigrand"? Les laisser là, page 220 dans cette librairie Québécoise avec leurs regrets et leurs silences. 
Dès les premières pages pourtant le doute s'efface, le style de l'auteur opère. Besson nous charme et nous malmène un peu aussi. En plaçant 18 ans plus tard ses 4  personnages : Paul, Isabelle (l'épouse, embourgeoisée désormais), Antoine (le jeune amant du moment) et lui même, dans un huis-clos oppressant (une salle d'un restaurant d'un quartier branché (je vous laisse savourer le passage du choix du lieu),  Besson nous convie à la table des regrets de la nostalgie, des questions sans réponses, des sentiments inavoués. Les échanges fusent, polis, anodins, bourgeois, entre verre de vin et cigarettes fumées par les conjoints. Ces pauses clopes, comme des bouffées d'oxygène (troublant pour une cigarette) qui seront l'occasion pour nos deux amants d'enfin parler à cœur ouvert.
Besson a définitivement un talent fou pour parler d'amours, amours vécues, inachevées, inoubliables pourtant (peut être parce qu'elles ont ce goût d'inachevé). "Il y a une seule chose dont je suis sûr" dit Paul à Philippe, "c'est que le seul fait de t'avoir connu, ça a fait de moi quelqu'un d'autre". N'est ce pas le propre de toute rupture amoureuse, nous laisser avec une blessure, dont la douleur s'en va avec le temps pour faire place à une cicatrice indélébile qui s'appelle le souvenir ?

* autobiographie, vraiment ? si le 2e tome me paraissait crédible, j'avoue que celui-ci a creusé le sillon du doute. Et si tout était faux ? Si on était dans la fiction pure ? Et si Besson se jouait (avec talent) de son lecteur ?  Si Paul Darrigrand n'était qu'un prétexte pour parler d'amour ? Et si...

Et après tout, quel est le problème, l'histoire même fictive n'entache pas la réalité du propos et des mots, si puissants et intimes.

5 août 2019

Un certain Paul Darrigrand


Comment dire à quel point ce livre m'a troublée ? Peut-être en vous disant simplement que je l'ai lu en 3 heures, que j'ai fini émue aux larmes avec la sensation que Philippe BESSON savait mettre des mots incroyables sur le sentiment amoureux. Que quelques heures après avoir refermé la dernière page de ce roman*, j'attaquais la suite "Dîner à Montréal"...
On est en 1988 à Bordeaux, ville oh combien familière et chère à mon cœur,  entre la rue Judaïque, la place Pey-Berland, le "Pala", l’hôpital Saint André et son jardin intérieur. Philippe Besson a 22 ans, sort d'une école de commerce avec un diplôme dont il ne sait que faire.  Il s'inscrit donc à la faculté de droit de Bordeaux espérant y trouver une voie plus noble. Il y rencontre Paul,  l'homme qui va bouleverser son année 88. Paul est marié à Isabelle (pétillante, généreuse, comment la détester ?), Paul sera l'homme des 5 à 7, l'amant, l'objet du désir fou.
Qui n'a pas vécu une telle passion (évidemment non durable au demeurant) mais qui vous donne ce sentiment d'immortalité ?  C'est d'ailleurs, ce joli parallèle que fait Besson puisqu'à la même période, on lui découvrira une thrombopénie idiopathique contre laquelle il luttera.
220 pages de poésie, pudeur, émotion pour raconter l'Autre, celui qui vous emporte, celui qui vous fait vous sentir vivant. Mais aussi cet Autre, dont l'absence vous déchire le cœur, vous fait vous sentir  incomplet. Cet Autre qui s'endort auprès d'une femme chaque soir et dont l'attente d'un signe, à une période où le téléphone portable n'existait pas devient insupportable.

"Une vraie saleté l'infériorité en amour" écrit Besson au milieu du roman.  Tout est dit. 
* roman ? (indique clairement la couverture). Qu'en est-il ? La trilogie (1. Arrête avec tes mensonges, 2. Un certain Paul Darrigrand et 3. Dîner à Montréal) est pourtant présentée comme l'oeuvre de la sincérité, les aveux intimes et explique même les précédents romans de l'auteur. On y reviendra. Est-un roman, une autobiographie, un récit autobiographique? Besson ne nous ballade-t-il pas entre réalité, souvenirs, fantasmes ? La lecture de l’épilogue "dîner à Montréal" a fait naître le doute. 

30 juillet 2019

L'homme aux cercles bleus

Le contexte : un Vargas jamais lu égaré dans une bibliothèque familiale,  le calme des sommets pyrénéens, un autre roman en cours pas très captivant (que j'essaie encore péniblement de terminer *), il ne m'en fallait pas plus. Me voila au milieu des cercles bleus!
Et, même si j'avoue ne pas avoir retrouvé dans celui-ci la complexité et la richesse de ses derniers romans (Quand sort la recluse  ou l'armée furieuse, par exemple), qu'il est bon l'espace de 48h de suivre Adamsberg et Danglard, comme de vieux amis fidèles, inchangés et attachants.

* le fameux roman c'est "my absolute darling" et je peine....

29 juillet 2019

Leurs enfants après eux

Une incontournable lecture générationnelle ! 
Que j'ai aimé ce roman et qu'il est triste de quitter ces gamins devenus de jeunes adultes.
Tout commence dans les années 90 dans l'est de la France,  à Heillange, au bord de la frontière luxembourgeoise, à quelques mètres de hauts-fourneaux désormais éteints.  C'est l'été 1992, Anthony a 14 ans, un père alcoolique et un avenir morose. Autour de lui, Hacine, Steph, Clem... Quels avenirs pour ces gamins de l'Est, fils d’ouvriers, fils d'immigrés, fille de petits bourgeois ? Une ascension sociale est-elle possible ? Quels sont leurs rêves ?
Nicolas Mathieu raconte avec un talent fou le destin de ces adolescents profondément attachants à la lisière de l'age adulte. On les suivra 4 étés, de leurs 14 à leurs 20 ans, entre ennui, désœuvrement, menus larcins, soirées adolescentes, amours naissantes, désirs et plaisirs charnels jusqu'au fameux 12 juillet 1998.
Un formidable roman social, une véritable fresque culturelle et politique, une écriture fine et vibrante. Chapeau Monsieur Mathieu et vivement le prochain !

16 juillet 2019

Suiza

Encore sous le choc de ce (premier!)  roman puissant, âpre, violent, mais profondément humain. Suiza c'est l'histoire d'une rencontre entre Tomás, agriculteur solitaire, rugueux et Suiza, une française, simple d'esprit pour ceux qui la croisent, débarquée en Galice pour voir la mer.
Entre eux, une attirance bestiale, une pulsion sans mots, sans chichi : juste deux corps aimantés. Puis la tendresse, le quotidien, la douceur s’immiscent entre les corps dénudés et transpirants pour laisser place à un grand Amour. Quel roman, quelle plume! Une fois commencé, impossible de lâcher ces deux-la, ni d'ailleurs, les personnages drôlement attachants  qui gravitent autour d'eux  : Ramon, le vieil et inséparable ouvrier agricole, Agustina, la mère nourricière, Lope, le "prince" délicat et attentif, Luis, Alvaro. A chaque page, on sent le rioja, l'huile d'olive, la moiteur de l'été espagnol, les champs d'été mais surtout la rage des êtres contre la la solitude et la maladie...jusqu'à cette fin étourdissante. 
Ne passez pas à coté!

15 juillet 2019

La salle de bal

Difficile de rester insensible à ce roman choral, qui mêle amour, roman historique, poésie, sur fond d'eugénisme. L'histoire se déroule  au début du 20e siècle au sein d'un hôpital psychiatrique, l'asile de Sharston, perdu dans la lande britannique. On y croise des fous, des simplets, des indigents, des agités ou simplement ceux dont la société veut se protéger, les indociles... Trois options pour les pensionnaires nous annonce Clem, personnage secondaire mais néanmoins clef du roman : "Tu peux mourir. C'est facile. Les gens meurent tout le temps. Tu peux t'enfuir. Presque impossible. Ou tu peux les convaincre que tu es suffisamment saine d'esprit pour partir." 
Trois personnages alternent la narration : John, un irlandais mystérieux, Ella, une jeune femme hospitalisée pour voir cassé une vitre de la filature où elle travaillait et Charles Fulher, médecin à la personnalité complexe, musicien raté, aux pulsions inavouables, qui rêve de gloire et de reconnaissance politique. Chaque vendredi, un bal est organisé, les hommes et les femmes s'y retrouvent pour danser sur les notes de l'orchestre du personnel médical. La rencontre entre la fragile Ella, illettrée et le sauvage John est aussi belle que déchirante.  Elle nous emporte par sa fulgurance  et son intensité... C'est aussi l'histoire d'une folie : celle des dérives scientifiques de l'époque, prélude du drame nazi qui surviendra quelques années plus tard. 

29 mai 2019

Les yeux couleurs de pluie

Comme une envie de roman de minette! Celui-ci me faisait de l’œil et j'avais envie de connaître les prémices de l'histoire d'amour entre Matthieu, interne en chir' et la jeune neurologue en devenir, Marie-Lou , rencontrés quelques mois plus tôt dans "Etre mes doigts coule le sable". En avant pour le 1er tome donc ...où tout commence.
On y retrouve les personnages, plus jeunes, plus naïfs, plus culculs aussi : Marie-Lou débarquant en Bretagne (la pluie, les yeux, bref...tu vois le concept) de ses montagnes, en mode Martine ... Marie-Lou découvre les joies de l'internat, Marie-Lou va à son premier  tonus,  Marie-Lou doit dessiner un sexe pour une fresque murale et Marie-Lou enchaîne les nuits de garde. C'est un peu couillon. L'énigmatique Matthieu est on ne peut plus énigmatique:  genre je saute sur tout ce qui bouge mais j'effleure la douce Marie-Lou au 14e rencard.  Leur reniflage de derrières, assaisonné à la crêpe bretonne ça va 5 minutes.  Bref, on accordera la moyenne à ce tout petit roman pour un trajet en train (avec rhume en plus) mais difficile de le recommander sur le plan littéraire...

23 mai 2019

Changer l'eau des fleurs

Une fois de plus sous le charme de l'écriture de Valérie Perrin qui m'avait déjà ravie avec "Les oubliés du dimanche". Bis repetita. 
Il m'aura fallu moins d'une semaine pour terminer les presque 700 pages de "Changer l'eau des fleurs". Pour faire taire d'emblée les amateurs de lectures sibyllines et autres romans tortueux : passez votre chemin, c'est tout sauf prise de tête ! "Feel good book" diront certains: oui et non. Avant de vous expliquer pourquoi, posons les bases... 
Violette Toussaint est garde cimetière (quand on s'appelle Toussaint, ça aide!) : une reconversion professionnelle pour cette ancienne garde barrière (oui, les barrières de passage à niveau c'est plus très à la mode alors que garde cimetière, c'est pérenne comme job). Autour de Violette gravitent des morts (et leur famille) dont elle s'occupe avec un infini respect et surtout des vivants...Philippe, l'ex mari, les fossoyeurs, le Père Cédric, le curé, un avocat tombé du ciel, et des animaux (des chats notamment). Si la vie de cette gardienne de cimetière est désormais agréablement rythmée par les cérémonies, la compilation dans un carnet de chaque enterrement, le nettoyage des tombes, on comprend au fil des pages que le passé n'a pas été simple. Comme dans "Les oubliés du dimanche", le secret pointe son nez et vient donner un vrai rythme à l’histoire avec des retours en arrière, des êtres qui se dévoilent et une vérité parfois dure.
Alors, oui, à plusieurs égards : c'est clairement un roman positif, où se croisent des personnages croqués avec tendresse et des situations peintes avec délicatesse...mais non parce que ce serait réducteur! Chaque personnage laisse au fil des pages, entrevoir un passé plus ou moins complexe, des fêlures et l'espoir d'une incertaine reconstruction (résilience ?) finale,  pas si habituelle dans les classiques "pages turner estivaux".

Enfin, merci à Valérie PERRIN de m'avoir fait redécouvrir un poème de Jacques PREVERT incroyable ... 
Un village écoute désolé Le chant d'un oiseau blessé C'est le seul oiseau du village Et c'est le seul chat du village Qui l'a à moitié dévoré Et l'oiseau cesse de chanter Et le chat cesse de ronronner Et de se lécher le museau Et le village fait à l'oiseau De merveilleuses funérailles Et le chat qui est invité Marche derrière le petit cercueil de paille Où l'oiseau mort est allongé Porté par une petite fille Qui n'arrête pas de pleurer Si j'avais su que cela te fasse tant de peine Lui dit le chat Je l'aurais mangé tout entier Et puis je t'aurais raconté Que je l'avais vu s'envoler S'envoler jusqu'au bout du monde Là-bas où c'est tellement loin Que jamais on n'en revient Tu aurais eu moins de chagrin Simplement de la tristesse et des regrets Il ne faut jamais faire les choses à moitié

23 avril 2019

La chambre des merveilles

Une couverture kitch au possible, une 4e de couverture un poil tire-larmes, et pourtant : un joli moment de lecture...
La critique demain !

Une folie passagère

Il m'aura fallu moins de 24h pour lire ce sympathique concentré de bonne humeur de Nicolas Robin dont j'avais beaucoup aimé le précédent roman "Roland est mort". Ici adieu caniche et célibataire endurci,  embarquement Porte A avec Bérengère, 40 piges, chignon banane, escarpins cirés et tailleur turquoise. Décollage immédiat avec celle qui (et c'est elle qui le dit), fait du ciel le plus bel endroit de la terre !
Sauf que sa terre à elle est loin d’être un paradis ! Pas d'amant (ou alors, goujats et/ou éphémères), pas d'enfants, une mère insupportable, pas même de chat à qui laisser des messages lorsqu'elle quitte le plancher des vaches.  Dans le ciel c'est aussi compliqué mais elle a l'habitude et dans sa petite robe saillante, elle  enchaîne, jus de tomate, bretzels, sourires, sacs à vomi, re-sourires, mots rassurants, champagne...entourée de collègues en turquoise parfois pénibles. Jusqu'à ce fameux vol raté pour  Cancoon, direction Winnipeg, un bled perdu du Canada avec dans sa micro-valise,  une chemisette et un maillot. C'est le point de chavirement, le looping de sa vie! Adieu bienséances et conventions...Bérengère va enfin cesser d’être une simple passagère dans le Boeing de sa vie.
Au total, une agréable entrée en matière dans un long weekend de Pâques.  Ça se lit comme on mange un petit œuf en chocolat de Pâques, savoureusement et sans culpabilité.

14 avril 2019

Glacé

Un bon thriller francais, qui mêle psychologie, personnages attachants et frissons au cœur des pyrénnées.

Petit pays

Quel roman, quelle œuvre à la fois de restitution historique et politique du conflit tutsi/hutu... et de poésie avec ce regard d’enfant.

31 mars 2019

Les impatients

Reine a 32 ans, un parcours sans fautes, un CV à faire pâlir, un boulot à responsabilités, un mec trié sur le volet, fraîchement cueilli sur un banc d’HEC,  des talons hauts, des blouses en soie ...
Promise à une ascension fulgurante, Reine décide pourtant de tout plaquer. Pour un scientifique docteur es algues bretonnes. La voilà qui se lance dans l’algue et ses vertus bobo-bio-thérapeutiques ! 
Tout est magnifiquement orchestré dans ce roman : une écriture dingue de modernité, de cynisme, un récit troublant, vif, drôle à souhait. Ça va vite, c’est ingénieux, et nous lecteur admiratif on ne peut que se régaler à chaque page. A même pas 40 ans, on envie le talent d’écriture de Maria Pourchet, cette idée fascinante de placer le lecteur en observateur de ses personnages, d’ambitieux millenials. Vous êtes tour à tour, Etienne, Pierre, Reine...vous vous régalerez de leurs travers, leurs contradictions, leurs faiblesses, sous le regard drôle et féroce de la narratrice. On en voudrait 200 pages de plus. A plusieurs reprise, je secouais mon voisin de lecture pour lui lire tout haut des paragraphes mordants tant je voulais partager la puissance du récit. 
Quel roman! Sans doute une de mes plus intrigantes lectures ces derniers mois. 

Le livre des Baltimore

Une fois de plus je ressors d'un roman de Joël Dicker avec une impression mitigée et la certitude que je ne serai pas capable de vous parler de ce livre dans un an!  C'est comme la brasserie de la littérature : honnête, bon rapport qualité/prix mais oubliable et sans originalité. 
Ça se lit tout seul, pas besoin de mobiliser trop de neurones, on s'attache aux personnages et à leurs caractères bien trempés. On retrouve avec plaisir Marcus, l’écrivain dont nous avions fait la connaissance dans  La Vérité sur l'affaire Harry Quebert. Ajoutez à cela un soupçon de nostalgie très personnelle puisque Baltimore et l’hôpital Johns Hopkins rythmèrent mon quotidien pendant un an... Et pourtant, en refermant le livre, pas d'euphorie, pas de quoi crier au génie, ni au chef d’œuvre. Le simple sentiment d'avoir englouti une chronique familiale rondement mené, ou s’entrevoient rivalités fraternelles, jalousies et amours contrariées.


16 mars 2019

La mule

Clint Eastwood signe un film élégant, paisible et non dénué d'humour.
Il y incarne Earl, vieil homme aimable, entouré, passionné par les fleurs,  grand-père aimant.
Tout est plus compliqué avec sa femme et sa fille, qui le boudent depuis des années se sentant abandonnées au profit de sa passion horticole. À près de 90 ans, Earl qui se retrouve brutalement à sec, accepte (sans initialement réaliser) de transporter des cargaisons dont il ignore le contenu. Quand il découvre qu'il est un passeur, il poursuit malgré tous ses missions avec son charisme inégalable, ses airs de papy innocent, devenant une mule hors paire. Solitaire dans son pickup, bercé par une musique d'un autre temps, il traverse les Etats-Unis.  Même le (fort) charmant Bradley ­Cooper, l'inspecteur en charge de démanteler le réseau ne parvient pas à déjouer le stratagème. En filigrane, évidemment, des questions...Qu'y a-t-il au bout des kilomètres, de ces nuits de solitude dans des motels impersonnels, ces cafés dans des diners typiques pour notre Clint? La rédemption, la pardon et l'apaisement...
Un plaisir des yeux que ce road movie eastwoodien.

Entre mes doigts coule le sable

Mon premier livre de cette auteur, Sophie Tal Men, fut englouti en 48 heures. Commencé dans le train vers les vacances, il m'a rapidement emporté dans un hôpital breton, au cœur des services de neurochirurgie et de psychiatrie avec Marie-Lou et Matthieu. Ils sont internes, amoureux et exercent une médecine différente.  (NB : Leur externat a fait l'objet du 1er roman de l'auteur, que je n'ai pas lu, "Yeux couleur de pluie").
Marie-Lou est une interne généreuse, altruiste, dévouée à ses patients (sans doute un peu trop). Matthieu, l'interne solitaire vit sur une péniche avec pour compagnon un chien, et traine un passé familial obscur et complexe. Ils s'aiment, s'attirent mais rien n'est simple : peut on s'occuper de la mère de son amoureux, peut-on soigner ses amis ou voisins, ces personnages secondaires attachants.
J'ai aimé la réalisme médical du livre, le ton juste et crédible quand elle décrit les patients, les troubles neurologiques ou psychiatriques. On sent des expériences vécues : alcoolisme, tumeur cérébrale, épilepsie. Pas étonnant, Sophie Tal Men est médecin, neurologue de surcroit. 
Certains (moi la première) diront que c'est un roman facile, sans profondeur, un feelgood book, vite lu vite oublié. C'est indéniable, mais c'est plus agréable à lire que certains Martin Lugand  ou Leidig dont les histoires sont encore plus tartignolles.
Parfait pour quelques heures de vie du rail et une douce entrée dans des vacances !

4 mars 2019

En voiture Simone

Difficile d’être emballée par un livre si léger. Son tort (ou le mien), l'avoir lu après "Fugitive parce reine" qui m'a laissée sans voix, émue par le propos et le style. 
Là, il est question d'une famille, Martine, Jacques et leur 3 fils. Qui dit 3 fils dit 3 belle-filles, aussi différentes qu'insupportables. La végétarienne, la mère poule, la fumeuse. Elles ne sont ceci dit pas épargnées par leur beaux-parents, qui leur mènent la vie dure. C'est plein de bon sentiments, un poil caricatural, pas vraiment drôle et forcement un peu moraliste (aimons-nous, communiquons, tolérons-nous !). Un livre de plage ou de vacances vite lu, vite oublié.  

3 mars 2019

Une intime conviction

Février 2000, Suzanne Viguier disparait. Mort, fuite,  amnésie, crime...Pas de cadavre, pas de trace, pas de mobile non plus. Pourtant son mari Jacques Viguier, professeur de droit à l’université, est accusé du crime parfait, sans preuve.  Il est acquitté à l'issue d'un premier procès mais le parquet fait appel. 
Le film débute avant le procès en appel lorsque  Nora, mère célibataire, chef cuistot, intiment convaincue de l'innocence de Viguier fait appel à Maitre Dupont-Morreti pour défendre Viguier.
Le film est porté par  ses deux grands acteurs : Marina Fois et Olivier Gourmet.
Lui, incarne (et c'est peu de le dire) l'avocat dans toute sa splendeur, orateur hors pair et charismatique. Elle, passionnée se bat, lutte jour et nuit, travaillant sur les écoutes téléphoniques au point d'en oublier sa vie, son fils, son job et jusqu'à se perdre dans sa propre conviction. 
Ils habitent leurs personnages, les scènes de tribunal sont haletantes et parfaitement réalistes, loin des films américains. On y voit des jurés attentifs, des familles meurtries, des juges pas forcement impartiaux, des médias manipulateurs (manipulés?) et des flics sous la coupe de la pression médiatique.
Pendant près de deux heurses, on est totalement happé par ce thriller judiciaire.  Innocent ou coupable la question n'est pas la, la question est celle de la présomption d'innocence et du poids des soupcons et des rumeurs
Un vrai bon film!

24 février 2019

Fugitive parce que reine

Éblouissant!
Comme dirait ma mère: "troublant à quelle point tu peux aimer les romans sur des familles dysnctionnelles "
Oui, surtout quand l'écriture est sublime!

Virus L.V.I3 ou la mort des livres

Une fois de plus, je laisse la parole à C une jeune lectrice passionnée! 

Dans ce livre, vous trouverez peur, angoisse, amour, amitié, tristesse... bref tout mon cours de français quoi! Ce livre est super, il parle d’une écrivaine passionnée de livres... et d’électronique, qui vit dans un monde où la lecture est obligatoire. Les seules personnes qui osent bouder l’heure de la lecture sont les fans d’électronique, ils en arrivent à un tel point qu’ils inventent un virus qui attaquent les livres et les lecteurs ! Le virus fait que vous ne pouvez plus lire normalement, lorsque vous commencer un roman, vous vous retrouvez propulsez DANS le livre, vous êtes le personnage principal. Impossible de lire tranquillement, mais cette chère écrivaine sourde et muette va trouver un moyen de résoudre le problème (et aussi trouvez l’amour de sa vie). J’ai vraiment A-DO-RE ce livre, pourtant je ne suis pas une fan de science fiction, je vous le conseille grandement!!!
À bientôt! C.

27 janvier 2019

Derrière les portes

Un énième retour Montpelliérain, un train d’un autre temps, un compartiment glacial...Voici le décor planté pour attaquer ce roman vivement conseillé par mon amie C. « Tu ne pourras pas le lâcher » me prévient-elle. Et, en effet, dès les premiers chapitres, on est totalement happé par cette histoire conjugale terrifiante. Au fil des pages, on comprend comment le piège s’est refermé sur Grace et on découvre la folie de Jack. "Pervers narcissique" disent certains ...je m'insurge: il est complétement taré ce jeune homme. On assiste impuissant à la captivité forcée, on prie pour que le mari lève la garde ne serait-ce qu’une seconde, on déteste tous leurs amis aveugles et sourds à la détresse de cette femme. Malgré un style classique, un procédé d’écriture ultra conventionnel-alternant passé et présent, des personnages un poil caricaturaux et une histoire parfois un brin rocambolesque, j’ai frémis, à maintes reprises, reposant le livre la peur au ventre. Résultat : 2 jours de frissons, 300 pages dévorées et l’envie de se méfier de ses voisins!

Mort sur le Nil

Fin des vacances de Noël, dans la maison famille, je me délecte devant la bibliothèque et ses centaines de bouquins. Tant de livres, tant de possibilités ("une vie ne suffirait pas", comme dit mon cher papa). Il y a les classiques, les livres des années lycées, les livres illisibles du paternel, des Simenon, des Exbrayat et des tas d'Agatha Christie (parfois en double!).  Mon dernier Agatha Christie remonte à il y a 20 ans, peut être plus. Je les lisais à l'adolescence, j'ai oublié le coupable de la plupart... Ni une ni deux, j'imagine la moustache de Poirot et l'odeur du thé noir, impatiente de retrouver cette ambiance particulière et le flegme du détective! 
Ici, tout le monde embarque sur les rives du Nil. Linnet Ridgeway part en Égypte en voyage de noces avec son mari, Mr Doyle. Ils ont tout pour être heureux, elle est belle, intelligente, distinguée. Linnet est découverte dans sa cabine, tuée d'une balle en pleine tète. Par qui ? L’enquête est tordue a souhait, le style inimitable et les femmes sacrement tordues, nymphomanes, kleptomanes ou hystériques. 
Une valeur sûre!

10 janvier 2019

Mille petits riens

Comme vous le savez peut-être, je lis peu de romans étrangers. Mais celui-ci me faisait de l’œil. Sa superbe couverture, son propos, les critiques élogieuses vues sur différents blogs de "booktubeuses" et "instabookeuses" (oui, époque moderne...). 
Ruth est sage-femme depuis plus de vingt ans. Employée modèle, collègue dévouée, mère de famille attentive et aimante. Ruth s'est battue pour en arriver là, hautes études scientifiques, extraction d'un milieu d'origine relativement défavorisé et petites victoires quotidiennes contre le racisme ordinaire. Sauf que tout bascule le jour où un couple de suprémacistes blancs (Turk et Brittany) l'accuse, elle, sage femme noire, d'avoir tué leur bébé. Adieu travail, place au combat, au procès, à l’enquête. C'est Kennedy, jeune avocate passionnée qui est en charge du dossier. 
Le roman est captivant tant par son propos que par sa forme. Il alterne les points de vue : Ruth, Turk et Brittany, Kennedy, l'avocate commis d'office. Le fond aussi évidemment est troublant et passionnant: Quelle est cette Amérique raciste et haineuse? Quels sont les fondements de cette haine ordinaire? Comme se déroule un procès aux États-Unis? (la partie sur la sélection des jurés est très intéressante). Sommes-nous tous des racistes passifs? La France pourrait-elle connaître (connait-elle?) cette même injustice raciale qui pullule aux USA? Autant de questions soulevées par ce roman fort bien écrit... A lire bien sur !

4 janvier 2019

Le vieux qui déjeunait seul

Clément est un vieil homme au passé douloureux. Chaque lundi, il vient déjeuner dans ce petit bistrot parisien où travaille Clara une trentenaire en manque de tendresse. L’un et l’autre s’attirent, se cherchent jusqu’à se rencontrer pour mieux s’apporter, se donner l’écoute et l’affection dont ils ont besoin. Sur le papier, de jolis ingrédients pour un roman de rencontres, comme je les aime d’ordinaire ... Pourtant, tout y est un peu trop simpliste, sans réelle profondeur. Les personnages manquent d’âme, de complexité. Tout y est prévisible, attendu. On aimerait palper cette souffrance, ce passé lourd à porter, ce manque d’amour...hélas rien de tout ça. Juste un nième petit roman pas désagréable mais sans vrai relief.

Pilules Roses, De l’ignorance en médecine » (Stock, 2023) de Juliette Ferry-Danini

Le SPASFON (phloroglucinol), vous connaissez bien sûr ! Qui n’a pas reçu, au cours de sa vie ce comprimé rose fuchsia, dragéifié façon bonbo...