Christian Binet, forcément vous le connaissez, c’est le célèbre dessinateur des Bidochon, Robert et Raymonde, notre couple de français préféré. Marion Larat, vous ne la connaissez probablement pas… En revanche vous avez peut-être déjà entendu parler de son histoire mais surtout de ses conséquences en terme de santé publique.
En 2006, Marion est en classe préparatoire à Bordeaux. Un soir alors qu’elle se prépare à rejoindre des amis, elle s’écroule dans sa salle de bain familiale. Elle sera retrouvée quelques minutes plus tard et le diagnostic est sans appel : accident vasculaire cérébral (AVC) massif. L’étiologie, elle, est moins évidente. On évoque d’abord une cause cardiologique puisque Marion ne prend pas de drogues et ne prend pas de médicaments. Enfin, pas tout à fait, elle ne prend « que la pilule », ça ne peut pas être la cause ! Mais en 2011, le lien causal entre la prise de cette pilule et l’accident est reconnu par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Marion ne lâche rien et devient la première française à porter plainte contre le laboratoire Bayer en 2012. L’occasion pour les autorités de santé de réévaluer les risques liés aux contraceptifs oraux et de mettre en évidence que la France est mauvais élève : on y prescrit trop de pilules de 3e et 4 génération, au détriment de celles de 2e génération, qui comportent moins de risques thromboemboliques.
Pour les pharmacologues avertis qui liraient ce billet, sachez que la BD ne traite pas ou peu de iatrogénie, du lien entre AVC et pilule ou de facteurs de risque. Le propos est autre : simplement raconter l’histoire de Marion. Une jeune adulte dont la vie va être bouleversée en quelques secondes mais aussi et surtout sa reconstruction, ses infimes petits pas pour réapprendre à vivre, son quotidien devenu combat permanent. Binet a su recueillir le récit de Marion et retranscrire avec tendresse et humour, les efforts de la jeune femme pour réapprendre à marcher, parler, écrire, manger. Mais aussi, dépeindre de façon cocasse ses parents qui s’émerveillent de minuscules progrès, ou avec cynisme, les amies qui viennent rendre visite une fois, puis plus. Quant aux professionnels de santé, ils ne sont pas épargnés. Binet et Marion dressent un portrait acerbe des grands spécialistes, cachés derrière leur brumeux jargon scientifique. « C’est l’aphasie de Broca » annonce le neurologue devant des parents totalement sidérés et désemparés « la meilleure » ajoute-t-il ! De cet interne sans humanité qui ne cesse de répéter : « elle ne remarchera jamais ». Ou encore cette infirmière qui recommande à Marion, alors en fauteuil roulant, d’être prudente et de privilégier l’escalier si elle croise le type pas très net, qui se tripote dans les couloirs du service.
Un bel équilibre entre noirceur, tendresse et humour.
Quant à la rencontre entre Marion et Binet, vous la découvrirez dans la préface. Disons qu’il s’agit de la rencontre improbable et un peu magique d’un dessinateur de 77 ans, touché par l’histoire d’une jeune femme qui pourrait être sa petite-fille, qui décide d’utiliser ses crayons pour mieux la raconter !
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