18 février 2023

Les Sources

Marie-Hélène Lafon et moi c'est une histoire d’amour littéraire depuis plus de 10 ans. J’avais à peine 30 ans lorsque j'ai lu l’annonce. J'aime sa rugosité, sa plume sublime (des phrases à lire à haute voix) et sa façon si particulière de décrire le Cantal et les paysans. 

Dans son dernier livre, les Sources, il est question de violence conjugale à la fin des années 60 dans une ferme auvergnate. Cent pages saisissantes, 3 actes, 3 points de vue pour raconter le quotidien d'une femme, mère de 3 enfants,  soumise quotidiennement à la violence du mari. La force du livre tient dans sa puissance stylistique  pour raconter l’insoutenable. Pas de description démonstrative des coups,  mais une écriture râpeuse sans fioriture pour décrire les humiliations quotidiennes, les remarques dévalorisantes, la brutalité ambiante et les quelques moments de répit (l'heure se la sieste de l'homme) qui exacerbent le caractère étouffant de la situation et l'emprise masculine. 

Vient ensuite le point de vue de l'homme, sans jugement, juste les faits, son isolement inexorable et sa tendresse pour ses filles, Claire et Isabelle.  Avec  Gilles, le petit dernier, tout semble plus compliqué,  ce fils non à son image, plus sensible et proche de sa mère.

Les dernières pages du livre donnent la parole à Claire, la cadette,  à l'heure de refermer la ferme familiale,  50 ans plus tard. La balançoire est toujours là, un peu branlante, les cicatrices aussi. 

Une merveille de littérature. A lire avec le moral toutefois (ou un verre de vin pas loin...).



12 février 2023

Tout le bleu du ciel

Pour introduire cette critique, j'avais envie de vous raconter le contexte d’achat. Jour de RTT, je me retrouve solo, sous un beau ciel bleu, en ballade dans une petite commune du Limousin. Comme j'aime les livres et encore plus les librairies, je décide de ne pas quitter le bled sans un souvenir papier...C'est ainsi que je ressors de la librairie locale avec ce bouquin de 850 pages, récemment conseillé par une amie lectrice.

850 pages tout de même : ce n'est pas rien. A t-on vraiment besoin de 850 pages pour raconter un périple en camion dans les Pyrénées ?

Quel voyage me direz-vous ! Le dernier grand voyage d'Émile, chez qui vient d'être posé le diagnostic d'Alzheimer précoce, avec pour compagne, Johan une jeune femme mystérieuse, rencontrée par une petite annonce plus qu'insolite.

Spontanément j’aurais dit non! Surtout parce que je n’ai pas une passion pour les pavés. Mais, plus j’y réfléchis, plus je me dis que ces 850 pages sont utiles, elles servent à densifier les personnages, leur créer un passé, des failles, des amis, une vie d’avant pour mieux comprendre leurs émotions, les démons qui les habitent et leurs réactions au quotidien. C’est aussi de jolies pages pour mieux savourer la nature, la rencontre avec les personnages secondaires et le temps qui reste (2 ans, c’est rien et tout à la fois).

Finalement, entre flashbacks, rencontres pyrénéennes, journées au milieu de la nature au fils des saisons, on tourne frénétiquement les pages jusqu’à un final saisissant qui m’a émue aux larmes (au sens propre).

9 février 2023

Les enfants endormis



Quel plaisir que la lecture de ce livre !

L'histoire c'est celle d'une famille. Une famille de commerçants dans l'arrière pays niçois. Dans cette famille, on est boucher, de père en fils. L'entreprise familiale se porte bien.  

Début des années 80, Désiré, l'oncle de l'auteur, enfant choyé, ne s’intéresse pas beaucoup au commerce parental, il a d'autre envies, il voyage, fait des rencontres et des expériences. Les années 80 c'est aussi les premiers cas de SIDA, alors non nommé ou si mal nommé ("cancer gay" notamment) dont Désiré fera partie.

Née en 82, j'ai grandi avec l'idée de l'existence du SIDA (qui plus est dans une famille de dermatologues...). On parlait sans tabou des risques à la maison, on parlait des modes de contamination, et d'annonce de la maladie. On parlait moins de le vie des malades, ni celle de leur famille et du vide thérapeutique de l'époque. J'avais encore moins les bases (j'étais sans doute trop petite) pour comprendre tous les rouages de la recherche scientifique, les rivalités franco-américaine, l'urgence des essais cliniques...

C'est tout cela que le livre parvient à allier. C'est avec une facilité déconcertante que l'auteur entremêle science (le livre est ultra documenté), réflexion sociologique et récit intime  pour mieux rendre hommage aux premières victimes du sida et à tous les chercheurs. 

Au cours de cette lecture, il est troublant de constater les parallèles avec la pandémie mondiale que nous venons de vivre  :  phobies générées, emballements médiatiques,  dérives scientifiques mais aussi une urgence commune d'agir.

Triste tigre

C'est en voyant Neige Sinno dans C à vous, que j'ai eu envie de lire Triste Tigre. Son air triste, ses yeux baissés, cette façon de ...