8 novembre 2023

L'Amour


Quel livre ! Que d'émotions nichées dans ces 90 pages. 

Un demi-siècle d'amour raconté si sobrement et si élégamment à la fois...

Jeanne et Jacques Moreau se rencontrent dans les années 60, ils se plaisent, se séduisent simplement, s'installent ensemble comme une évidence. Viennent ensuite les enfants, et un quotidien raconté avec pudeur et tendresse.

Pourquoi j'ai tant aimé ce livre ? Sans doute parce que je fais partie de ceux/celles qui pensent que s'aimer c'est accepter les défauts de l'autre, accepter la perte de la passion pour laisser la place à la tendresse et la complicité. Non, je ne crois pas à la fièvre qui dure, aux papillons dans le ventre tous les jours, en revanche je crois qu'on peut aimer passionnément partager son quotidien avec un Humain un poil râleur et un brin casanier ! (oui, toi !)

Et quand c'est François Bégaudeau qui le dit c'est tout simplement superbe... "Jacques énerve Jeanne à mettre des cornichons avec tout, à manger la peau du saucisson sec, à remettre un tee-shirt sale, à pas couvrir son crâne d’œuf à la plage, à laisser un rhume trainer plutôt que de prendre des antibiotiques, à dire un espèce de, à dire il mouille plutôt qu'il pleut, à dire car pour bus, à se moucher dans du Sopalin, à se tenir les mains sur les hanches que ça fait ressortir sa bedaine, à lancer les grillades de barbecue trop tôt, à laisser Bill entrer dans la salle d'eau, à piétiner dans la cuisine alors qu'il n'a rien à y faire puisque monsieur n'en fout pas une". 

Rien d’ostentatoire dans leur vie: simplement un demi-siècle d’amour sincère !

PS : le 18 novembre, dans une librairie creusoise au doux nom de "L'apothicaire", je rencontre Monsieur Begaudeau et avouons-le, je suis fébrile comme une adolescente...)

6 novembre 2023

Le théorème de Marguerite

La bande annonce ayant réussi à convaincre l'Homme de m'accompagner au cinéma, nous atterrissons dans une micro-salle pour aller voir le théorème de Marguerite. 

Marguerite, 24 ans, petite lunettes rondes, démarche atypique, gros pull de laine, est chercheuse en mathématique à l'ENS, en dernière année de thèse avec un directeur de thèse incarné par le formidable Darrousin. Son sujet : la conjecture de Goldbach à ce jour non entièrement démontrée (i.e. "Tout nombre entier pair supérieur à 3 peut s’écrire comme la somme de deux nombres premiers") (ne m'en demandez pas plus...) 

Mais tout bascule à la suite d'une erreur de raisonnement. En quelques minutes, tout vrille, 3 années de thèse inutiles, plus de projet solide, Marguerite décide de tout plaquer. Adieu l'ENS, la carrière de chercheuse, mais aussi les railleries machistes de l’établissement, les guerres de publications et la vie monacale de l'école normale (où elle vit en chaussons). 

Un peu paumée et sans objectif dans Paris, elle se trouve une coloc dans le quartier chinois avec une jeune danseuse aussi libérée et bordélique que notre héroïne est introvertie et obsessionnelle. Et comme il faut bien payer le loyer, la voila qui se lance dans des formations d'enquêtrices pour cosmétiques, un poil encombrée par son cerveau de chercheuse ("le sondage est biaisé" dit elle à la formatrice ahurie). 

C'est finalement grâce au Majong découvert dans les appartements cachés du propriétaire de son appartement qu'elle va exceller ! "Tout n'est que paires et brelans" dit-elle...Derrière ses prouesses à ce jeu chinois réapparait l'omniprésence des mathématiques. Elle ne peut pas vivre sans nombre premiers, équations, espaces infini de possibles. Petit à petit, les mathématiques ressurgissent, les murs de sa chambre se couvrent de formules... (quelle superbe scène que les murs de sa chambre, puis du salon transformés en tableau noir, recouverts de craie et de formules (auxquelles le spectateur ne comprend rien mais qui sonnent assurément comme de la poésie pour elle). 

Aidé d'un jeune chercheur (celui qui avait fichu sa thèse à terre en soulevant l'erreur), elle renfilera la costume de la chercheuse passionnée pour finalement résoudre un pan de l’équation de Goldbach. 

Et quand surgit - au milieu de la logique pure et de la névrose obsessionnelle, ce sentiment nouveau et incontrôlable qu'est le sentiment amoureux (celui qui n’obéit à aucune équation) on se dit là qu'on tient un très très joli film. 

Validé par l'Homme aussi qui m'a dit : on va retourner au ciné, ça fait du bien !!

31 juillet 2023

Lectures estivales

Petit résumé de mes lectures estivales.

L'amour des grands : un livre plein de charme sur les amours d'enfance.

La valse des petits pas : un roman chorale difficile à poser. On attend une adaptation ciné tant le livre s'y prête.

L'ange et le violoncelle (même autrice que la valse de petits pas) : faut croire qu'elle était moins inspirée tant ce livre m'a semblé totalement inintéressant. On dirait un livre pour enfant de 4 ans. Quoique... un livre de gosses contient plus de nuances.

Sa préférée : choc de noirceur.


Désenchantées

En plus d'avoir des sportives, j'ai parmi la bande de copines de ma salle de sport, quelques grandes lectrices. Du coup, nos cours de vélo se terminent souvent en petit salon littéraire. Ça s’échange (encore transpirantes) du livre de poche sous le manteau, ça se refile après des coups de pédales endiablés, les noms des auteurs préférés et ça commente les derniers coups de cœur. 

C'est donc ainsi que j'entends parler de Désenchantées. "Il faut ABSOLUMENT que tu le lises" me dit D (que je remercie). Et comme un signe, il m'attend dans le petit supermarché d'Auriol où je passe un grand weekend. 

J'attaque dès le retour de la supérette (oui oui, sur le trottoir j'ai lu le premier chapitre) et le charme opère immédiatement : me voila plongée dans une petite station thermale dans les années 90. Dans cette bourgade, la disparition de Sarah Leroy est à jamais dans la mémoire des habitants sans que la vérité n'ait été véritablement faite. Un type est en prison sait-on. Tout l'accuse... Jusqu'à l'arrivé de Fanny, journaliste de presse écrite qui se voit confier un papier sur l'affaire et qui revient sur les lieux de son enfance avec sa belle-fille (échanges acerbes assez jouissifs). C'est alors le passé qui remonte à la surface : rivalités féminines, guerres adolescentes mais aussi des liens d'amitiés indestructibles. Le livre est par ailleurs très bien construit entre (gentil) thriller, récit d’adolescence et roman contemporain sur nos relations à l'age adulte parfois plus compliquées qu'il n'y parait. Le tout entrecoupé d’éléments d'un narrateur anonyme qui détient l'explication. La fin est à la fois originale et émouvante. Bref, entre polar, roman générationnel et belle histoire d’amitié, un vrai bon moment de lecture.

25 mai 2023

La folie des chats

Ceux qui me connaissent savent que mon quotidien n'est plus le même depuis qu'un poilu à 4 pattes est entré dans ma vie il y a 18 mois. Mes nuits sont assurément plus courtes (5h50 est une heure parfaite pour manger les orteils) et mes angoisses plus intenses (quand je ne le vois pas revenir après 6 min en extérieur, je l'imagine sous une voiture...) mais quel bonheur d'avoir laissé rentrer ce chat chez moi. 

Sauf que les chats et moi c'est un peu nouveau. Il faut dire que j'ai toujours grandi avec des chiens. De ceux qui vous bavent dessus avec amour et sont toujours partants pour une ballade. Aussi, tout ce qui parle de chats et du comportement (étrange) des félins m’intéresse. Tout ce qui me permettrait de comprendre ces bizarreries, cette relation sans signe éloquent d'attachement, ces câlins qu'il ne faut pas réclamer et ces caresses qui peuvent se transformer en attaque en 10 secondes...

Et bien grâce au livre la folie des chats du Dr Claude Beata, j'ai compris PLEIN de choses. Claude Béata est vétérinaire, spécialisé en psychiatrie. Le livre est donc extrêmement documenté, très scientifique (mais pas pénible) à la fois dans ses éléments de neuropsychiatrie (neurotransmetteurs, protéine tau, phéromones au programme...) mais aussi dans ses descriptions des troubles psychiatriques. 

Le propos est  richement illustré de cas cliniques, glanés au cours de sa pratique ou auprès de ses propres chats.  Chaque cas est particulier, révélateur d'une comportement troublant qu'il faut  tenter de corriger ou d'apaiser. Où l'on comprend que c'est aussi souvent en expliquant mieux aux maitres les raisons de ces comportements que la paix se réinstalle. 

Un livre très intéressant !

 

 

24 mai 2023

Un couple

Un livre sur le couple face aux épreuves de la vie et aux montagnes russes de la relation amoureuse...Du déjà-vu me direz-vous. Oui, assurément pour le fond ! Sauf que toute l’ingéniosité du roman est sa forme. L’auteur choisit de façon extrêmement habile de raconter l’histoire par la fin. 

Premier chapitre : Alice et Jules, bientôt 90 printemps sont assis sur deux chaises au Luxembourg. Dès les premiers pages, on sent que la mémoire a des ratées mais que la tendresse, elle, est toujours là. Qu’est ce qui unit ces deux-là. Qu’ont-ils vécu, qu’ont-ils traversé ? Chapitre après chapitre, la pelote de leur vie se déroule en sens inverse. Le temps recule et chaque chapitre vient donner du sens au précédent, jusqu’à une fin (ou un début) terriblement émouvante. 

On referme le livre le cœur un peu serré, triste de quitter ces deux êtres drôlement attachants qui rappellent qu’une vie de couple est un long chemin semé d’embûches, qu’on peut décider de surmonter coûte que coûte.

9 mai 2023

Lectures d'avril

Le printemps est déjà là et de belles lectures aussi.

La nuit des pères 

Le choc du mois d’avril. Quel livre, quelle émotion ! 

Isabelle, est rappelée par son frère Olivier auprès de leur père, ancien guide de montagne, à qui l’on vient de diagnostiquer une maladie d’ Alzheimer. Un père qui n’a jamais su exprimer ses émotions, pas su dire à ses enfants l’amour qu’il leur porte.

Son frère resté auprès de lui, la sollicite depuis plusieurs mois pour ce weekend qu'elle repousse sans cesse. On verra dit-elle ...Pourquoi aller se faire mal, pourquoi se replonger dans un espace familial clos et empreint de souvenirs douloureux alors qu'on a réussi à s'en extraire tant bien que mal ? Peut-être justement pour tirer un trait final ou pour recoller les morceaux d'une histoire jamais explicitée. La maladie a parfois des vertus: elle ouvre les portes du souvenir enfoui et brise les vitres de la pudeur. 

Dans une langue absolument superbe, tantôt poétique, tantôt rocailleuse Gaëlle Josse nous livre un vrai bijou de littérature. Fini la gorge nouée.

 

Jaddo 

J’ai relu avec un immense plaisir Juste après dresseuse d'ours, qui m’avait, il y a près de 10 ans, émue, fait rire aux éclats et surtout convaincue que la médecine devrait être celle que raconte cette jeune médecin de ces premières années de fac à ses premiers remplacements : humaine et bienveillante. A garder sur la table de nuit pour tout épisode de morosité passager ! 


Un tesson d’éternité 

Anna Gauthier est pharmacien d’officine. Anna a tout pour être heureuse. Un mari aimant, un fils sans histoire qui s’apprête à passer le bac, une belle maison perchée sur la colline, une vue à couper le souffle et un métier qu’elle aime. 

Le cadre est posé. Tout semble impeccablement rodé. Sauf qu’un éclat va venir faire dérailler la machine. Son fils Léo est arrêté et mis en examen. La partition bien réglée de la vie d’Anna se met à sonner faux. Les souvenirs aigres remontent à la surface, le passé modeste, les traumatismes, les renoncements...

Je ne dévoile rien de plus et vous laisse découvrir ce roman déroutant ! (merci Delphine pour le conseil).


Stardust

Merci AS pour ce livre au style littéraire remarquable.

Écrit à 24 ans, publié à plus de 50, il retrace une période de la vie de son autrice, quand mère célibataire, immigrée camerounaise et SDF,  elle intègre un Centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence parisien dans le 19e arrondissement.

Leonora devient Louise, une de ces « femmes de Crimée » où la folie des unes rencontre la solitude des autres. Un très beau livre sur la condition des femmes isolées.


8 avril 2023

Ceci n'est pas un fait divers

Une histoire de féminicide. Le sujet est d'actualité. Chaque mois en France, 10 femmes se font assassiner par un conjoint/mari violent,  parfois après avoir porté plainte, souvent avoir tenté d'exprimer souffrance ou inquiétude. Ces femmes-là laissent derrière elles des enfants à jamais meurtris, fruit de l'union d'une victime et de son bourreau. Comment survivre à ce drame ? Que deviennent ces gamins ?

C'est le point de vue choisi par Besson pour ce nouveau et mémorable roman. En effet, l'auteur décide de raconter cette violence conjugale et l'emprise psychologique au travers les yeux des deux enfants de la mère décédée. Sa fille, témoin directe de la scène et l'ainé, jeune étudiant à Paris rattrapé par le drame.

Il fallait la très belle plume de Philippe Besson pour arriver à exprimer avec tant de finesse les dégâts collatéraux, le deuil impossible de ces enfants, et la difficile (est-elle même possible ?) reconstruction.

Une histoire qui vous happe dès la première page pour vous relâcher clairement secoué.


16 mars 2023

Mes fragiles

Quel livre et surtout quel écrivain! Jérôme Garcin m'a une fois de plus touchée en plein cœur avec son récit autobiographique. En une petite centaine de pages, il nous raconte comment en l'espace de 6 mois il a perdu sa mère et son frère, Laurent, atteint du syndrome de l'X fragile. Le COVID aura eu raison de lui. L'âge aura eu raison d'elle.

La plume de Garcin est superbe, les mots si bien choisis pour exprimer le vide laissé par ces deux-là,  mais aussi la relation qui les unissait. Tout deux passionnés de peinture (réaliste pour l'une, abstraite et lumineuse pour le second), leurs existences semblaient  indissociables. Que dire de la tendresse infinie de cette mère pour cet enfant "différent" et le soutien infaillible du fils pour cette femme devenue si fragile.

Beaucoup d’émotions à la lecture de ce livre.


12 mars 2023

La décision

Mon 2e roman de Karine Tuil. De l'auteur, j'avais beaucoup aimé "les choses humaines" pour l’intelligence du point de vue et la finesse avec laquelle elle nous questionnait sur le consentement sexuel. 

Ici à l'inverse, j'ai trouvé le propos caricatural et la mise en scène excessive.

Alma est une juge  d'instruction antiterroriste, acharnée de travail. Mariée avec un juif de plus en plus pratiquant, le couple "mixte" s'éloigne, l’incompréhension grandit. Cause ou conséquence de ce délitement conjugal, Alma a rencontré quelques mois plus tôt Emmanuel, un avocat aussi féru de travail avec qui elle vit une passion amoureuse relativement destructrice. Pour compliquer l'affaire, le-dit Emmanuel est aussi l'avocat qui défend Abdejalil Kacem un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'État islamique et qui jure être allé en Syrie pour aider une population opprimée, affaire confiée à Alma. Pendant des mois, elle doit instruire le dossier avant le possible procès du jeune homme.

Son unique mission,  faire la lumière, en toute objectivité et prendre la fameuse décision, celle qui conditionne la vie d'un homme et de sa famille, et/ou la sécurité de l'état français. Incarcération ou remise en liberté ?  Le livre est entrecoupé des auditions du jeune homme qui nous raconte ses motivations pour le départ en Syrie pour mieux nous éclairer sur la difficulté de l’instruction.

Le roman  est incontestablement  documenté, mais manque de sincérité à mon humble avis.  Faut dire qu'il n'est pas aisé de raconter une "fiction" sur un sujet aussi réel. D’autant que mes derniers choix littéraires n'ont pas du jouer en la faveur de Karine Tuil puisque j'ai lu ce livre juste après V13, la claque littéraire d’Emmanuel Carrère sur les attentats du 13 novembre. Un livre brut, puissant et inoubliable,  sur le sujet du terrorisme.

Forcément, à coté, le livre de Tuil sonne un peu "faux", artificiel et les ficelles scénaristiques (notamment dans le dernier tiers) sont gênantes. Quant aux personnages, ils sont, je trouve, caricaturaux (ultra-religion du mari, égoïsme de l'amant, froideur de l'épouse d'Emmanuel). Bref, l'émotion n'était nullement au rendez-vous pour moi.

Je pars sur un tout autre style avec Murène.

18 février 2023

Les Sources

Marie-Hélène Lafon et moi c'est une histoire d’amour littéraire depuis plus de 10 ans. J’avais à peine 30 ans lorsque j'ai lu l’annonce. J'aime sa rugosité, sa plume sublime (des phrases à lire à haute voix) et sa façon si particulière de décrire le Cantal et les paysans. 

Dans son dernier livre, les Sources, il est question de violence conjugale à la fin des années 60 dans une ferme auvergnate. Cent pages saisissantes, 3 actes, 3 points de vue pour raconter le quotidien d'une femme, mère de 3 enfants,  soumise quotidiennement à la violence du mari. La force du livre tient dans sa puissance stylistique  pour raconter l’insoutenable. Pas de description démonstrative des coups,  mais une écriture râpeuse sans fioriture pour décrire les humiliations quotidiennes, les remarques dévalorisantes, la brutalité ambiante et les quelques moments de répit (l'heure se la sieste de l'homme) qui exacerbent le caractère étouffant de la situation et l'emprise masculine. 

Vient ensuite le point de vue de l'homme, sans jugement, juste les faits, son isolement inexorable et sa tendresse pour ses filles, Claire et Isabelle.  Avec  Gilles, le petit dernier, tout semble plus compliqué,  ce fils non à son image, plus sensible et proche de sa mère.

Les dernières pages du livre donnent la parole à Claire, la cadette,  à l'heure de refermer la ferme familiale,  50 ans plus tard. La balançoire est toujours là, un peu branlante, les cicatrices aussi. 

Une merveille de littérature. A lire avec le moral toutefois (ou un verre de vin pas loin...).



12 février 2023

Tout le bleu du ciel

Pour introduire cette critique, j'avais envie de vous raconter le contexte d’achat. Jour de RTT, je me retrouve solo, sous un beau ciel bleu, en ballade dans une petite commune du Limousin. Comme j'aime les livres et encore plus les librairies, je décide de ne pas quitter le bled sans un souvenir papier...C'est ainsi que je ressors de la librairie locale avec ce bouquin de 850 pages, récemment conseillé par une amie lectrice.

850 pages tout de même : ce n'est pas rien. A t-on vraiment besoin de 850 pages pour raconter un périple en camion dans les Pyrénées ?

Quel voyage me direz-vous ! Le dernier grand voyage d'Émile, chez qui vient d'être posé le diagnostic d'Alzheimer précoce, avec pour compagne, Johan une jeune femme mystérieuse, rencontrée par une petite annonce plus qu'insolite.

Spontanément j’aurais dit non! Surtout parce que je n’ai pas une passion pour les pavés. Mais, plus j’y réfléchis, plus je me dis que ces 850 pages sont utiles, elles servent à densifier les personnages, leur créer un passé, des failles, des amis, une vie d’avant pour mieux comprendre leurs émotions, les démons qui les habitent et leurs réactions au quotidien. C’est aussi de jolies pages pour mieux savourer la nature, la rencontre avec les personnages secondaires et le temps qui reste (2 ans, c’est rien et tout à la fois).

Finalement, entre flashbacks, rencontres pyrénéennes, journées au milieu de la nature au fils des saisons, on tourne frénétiquement les pages jusqu’à un final saisissant qui m’a émue aux larmes (au sens propre).

9 février 2023

Les enfants endormis



Quel plaisir que la lecture de ce livre !

L'histoire c'est celle d'une famille. Une famille de commerçants dans l'arrière pays niçois. Dans cette famille, on est boucher, de père en fils. L'entreprise familiale se porte bien.  

Début des années 80, Désiré, l'oncle de l'auteur, enfant choyé, ne s’intéresse pas beaucoup au commerce parental, il a d'autre envies, il voyage, fait des rencontres et des expériences. Les années 80 c'est aussi les premiers cas de SIDA, alors non nommé ou si mal nommé ("cancer gay" notamment) dont Désiré fera partie.

Née en 82, j'ai grandi avec l'idée de l'existence du SIDA (qui plus est dans une famille de dermatologues...). On parlait sans tabou des risques à la maison, on parlait des modes de contamination, et d'annonce de la maladie. On parlait moins de le vie des malades, ni celle de leur famille et du vide thérapeutique de l'époque. J'avais encore moins les bases (j'étais sans doute trop petite) pour comprendre tous les rouages de la recherche scientifique, les rivalités franco-américaine, l'urgence des essais cliniques...

C'est tout cela que le livre parvient à allier. C'est avec une facilité déconcertante que l'auteur entremêle science (le livre est ultra documenté), réflexion sociologique et récit intime  pour mieux rendre hommage aux premières victimes du sida et à tous les chercheurs. 

Au cours de cette lecture, il est troublant de constater les parallèles avec la pandémie mondiale que nous venons de vivre  :  phobies générées, emballements médiatiques,  dérives scientifiques mais aussi une urgence commune d'agir.

Triste tigre

C'est en voyant Neige Sinno dans C à vous, que j'ai eu envie de lire Triste Tigre. Son air triste, ses yeux baissés, cette façon de ...