3 novembre 2024

Où vont les larmes quand elles sèchent ?

Baptiste Beaulieu est un écrivain que j'ai découvert il y a 15 ans, alors que j'étais interne.  J'aimais sa façon de raconter  les patients avec tendresse et humanité. Son premier livre, "1001 vies des urgences" m'avait emballée; j'avais d’ailleurs enchainé avec quelques uns de ses romans suivants, puis  je l'avais allégrement délaissé, trouvant le propos quelque peu répétitif.

Et si je replongeais ? C'est ce que je me suis dit en voyant ce petit roman de poche coloré sur la table de ma librairie préférée, et son titre presque enfantin...

Dans cet opus, Baptiste  enfile la blouse de Jean, médecin généraliste toulousain homosexuel qui enchaine les consultations mais qui ne parvient plus à pleurer depuis la mort d'un petit garçon qu'il n'a pas pu sauver quand il était interne au Samu.  Il y croque avec sa plume toujours affutée, des personnages attachants, entre humour et mélancolie. Il sait nous faire sourire et dans la même phrase nous confronter à la réalité : celle de la vieillesse, de la maladie, des oublié(e)s (oui, il est souvent questions "des frangines" et de la question féminine avec Baptiste Beaulieu). N'en déplaise à certains ! 

Bref, rien de nouveau sous le soleil Beaulieu. On referme le livre avec le sourire aux lèvres, comme à la sortie d'un voyage au pays d'une médecine véritablement humaine.

 

Les ailes collées

À lire les avis sur Babelio et sur la 4ème de couverture, ce livre était une pure merveille. Je partage cet avis en refermant la dernière page la gorge serrée...Et pourtant, arrivée à la moitié du livre, j'étais dubitative. J'avais du mal à m'identifier aux personnages, je trouvais le style un peu raide, l'écriture un peu trop ciselée. C’était sans compter sur la 2ème partie, et le déferlement d'émotions qui l'a accompagnée.

L’histoire c'est celle de Paul, un garçon pas tout à fait comme les autres dans la France des années 80. Paul est élevé dans une famille bourgeoise, où les non-dits sont légion. Mère femme au foyer, alcoolique mondaine,  père dentiste, volage. Peu de place pour les sentiments. Mais, il faut faire illusion, faire "comme si". Jean joue donc du piano, travaille assidument à l'école, s’occupe de sa petite sœur mais traverse les années sans joie de vivre, sans couleurs. Tout va basculer lorsqu'il fait la connaissance de Joseph, un jeune garçon élevé dans une caravane, par Isis, mère célibataire soixante-huitarde. L'amitié entre Paul pour Joseph est immédiate. Une sorte d'évidence : Joseph est lumineux, solaire et décomplexé.  Les moments passés ensemble sont autant de parenthèses enchantées pour Paul, loin de sa famille dysfonctionnelle. Petit à petit, cette amitié laisse la place à une attirance charnelle. Commence alors la descente aux enfers pour Paul. On est en 1984, à une époque où aimer un jeune homme est un sentiment honteux. Pourtant, comment lutter contre un désir viscéral, peut-on-aimer lorsqu'on vous l'interdit ? 

En s'autorisant cette pulsion, Paul devient rapidement la risée du collège, puis rapidement l'objet d'un harcèlement terrible. Agressions verbales, physiques, rien ne lui est épargné. Autour de lui, personne ne veut voir : des parents en passant par le corps enseignant, le déni est si facile. Le départ de Joseph aux États-Unis, loin de calmer la situation sera le début d'une longue solitude pour Paul. "Sa poésie à Paul, c’était Joseph. Et Joseph n’était plus là" écrit l'autrice. Oh comme on l'imagine cette béance dans le cœur de Paul. 

La seconde partie retrouve les deux personnages adultes et constitue à mon avis la plus belle partie du roman. Quand 20 ans plus tard, Joseph réapparait dans la vie de Jean, en couple avec Ana, les certitudes sont alors bousculées.  En confrontant la vie "rangée" de Paul à ses désirs profonds, l'autrice questionne le droit au bonheur et la liberté et d'aimer. Elle aborde aussi au travers de personnages secondaires riches (Cécile, la mère, Ana,...) la complexité des liens familiaux. 

Un très beau livre. 


Il faudra bien redescendre

Tout d'abord merci à Babelio et l’opération masse critique pour l'envoi de ce recueil de nouvelles.  L'auteur (Bertrand Runtz) y...