2 juillet 2020

Avant que j'oublie

Le prix du livre Inter mérite vraiment qu'on parle de lui. Parce qu'il est question d'absence et par n'importe laquelle. Celle du père, un père malade, alcoolique. Avec une finesse incroyable, une infinie tendresse et beaucoup d'humour, l'auteur parvient à nous  faire aimer un homme en apparence bien rustre. Un peu déglingo nous dit-elle, décalé aussi, violent avec sa mère  lors des épisodes alcoolisés. Et pourtant, on s'attache, on l'imagine ascitique et épuisé sur son lit d’hôpital mais aussi pensif et poète dans sa caverne d'Ali Baba qu'elle doit vider après les obsèques.  Que d'amour, que de vide aussi, laissé par cet unijambiste dans le cœur de sa fille.  Chaque geste est enveloppé de tant de patience aussi lors de ses derniers instants. Les objets si ordinaires, livres, figurines, outils sont minutieusement décrits par l'auteur, sans imaginer pouvoir s'en débarrasser. Ils le racontent, lui, ce "contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l'anxiété et la timidité, incroyablement empêché".
Quant à l'ironie, elle est partout, comme un pansement à la tristesse! "Je vais plutôt me mettre dans mon Everstyl et puis on l’inclinera. Ok si tu veux. J’ai tout plié en quatrième vitesse pour l’installer (...) actionné la télécommande du fauteuil tout confort à housse lavable qu’on vend une fortune à des gens qui vont mourir dans six mois. Des fauteuils à la con : sur Le Bon Coin, on en trouve des centaines, pris en photo dans des intérieurs marron sous tous les angles et dans toutes les positions. Particulier vend arrogante merveille de sophistication mécanique pour corps délabré stade final. Très peu servi. Prix à débattre."

Un très grand et beau livre! Merci Anne Pauly.

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